Je voulais raconter l’histoire d’une femme abîmée, désabusée peut-être, qui sait cependant saisir les opportunités et qui prend son destin en main. C’est un roman, je crois, profondément optimiste. En tout cas je l’espère.
Après La ville où dorment les princesses, Séances est le deuxième roman de Tiphaine Mora que nous publions.
Roman court, ou novella, il est uniquement construit à la première personne autour des pensées de la narratrice, Liv.
En voici la présentation, l’occasion aussi de parler écriture et faire le point sur les projets de notre auteure.

Tiphaine, pouvez-vous nous présenter Séances ?
On suit les pensées de Liv Ariel, une jeune mannequin et influenceuse en plein succès, sur un cours moment de sa vie. Elle fait cependant de nombreuses incursions dans son passé qui nous permettent de comprendre sa situation présente. Le roman, écrit au point de vue interne, celui de Liv, est construit en diptyque : le récit alterne entre les séances de pose chez un photographe de renom et des séances de psychanalyse qui sont imposées à Liv par son management. Le roman nous conduit à un point névralgique de sa vie, un drame intime, refoulé, qui est à l’ origine de sa carrière et son besoin de s’oublier dans les paillettes.
La mode, un univers qui vous intéresse ? Ou vous intéressez-vous plutôt aux fragilités ?
La mode en tant que telle ne m’intéresse pas spécialement, je dirais plutôt que c’est un univers très riche que je connais peu. C’est la lecture d’un long article sur la vie de Gia Carangi, une mannequin des années 70 et début 80, dans Vanity Fair, qui a posé la pierre angulaire de ce récit. De l’extérieur, Gia Carangi avait tout pour être heureuse ; une beauté irradiante, du succès, probablement de l’argent, des relations. Mais son existence aura été exceptionnellement courte et malheureuse. Elle est morte dans la solitude et dans des souffrances atroces. Je me suis demandé ce qui avait bien pu arriver à cette femme pour qu’il y ait une telle différence entre l’image qu’elle produisait et la réalité derrière ce décor, quelles étaient ses pensées. J’aurais tellement aimé qu’elle s’en sorte ; peut-être est-ce de ce regret qu’est né le besoin d’inventer une autre fin à Liv.
Puis je me suis intéressée aux aspects concrets du métier de mannequin qui va facilement de pair, aujourd’hui, avec le statut d’influenceur ; combien on peut gagner, comment on travaille. C’est un métier souvent précaire qui expose à des risques en tout genres, surtout en ce qui concerne les jeunes femmes.
Vouliez-vous montrer quelque chose avec le parcours de Liv, le fait qu’elle s’en « sorte » ?
Il me semblait important que la tonalité du roman ne soit pas complètement noire. D’ailleurs, il se termine sur le mot « lumière », que j’avais en tête dès le début de l’écriture. Je voulais raconter l’histoire d’une femme abîmée, désabusée peut-être, qui sait cependant saisir les opportunités et qui prend son destin en main. C’est un roman, je crois, profondément optimiste. En tout cas je l’espère.
Le lecteur peut-il retrouver dans ce roman court des échos à La ville où dorment les princesses ?
Il y a une continuité dans le style, le traitement de certains thèmes comme la féminité. Mais je pense que la comparaison s’arrête ici ; les personnages de La Ville où dorment les princesses sont pris dans une toile d’araignée, ils se débattent, et n’échapperont pas à leur sort. Bienqu’il y ait des incursions dans leurs pensées, ils sont regardés de plus loin. Une des difficultés qui se sont présentées lors de l’écriture de Séances a été de ne pas sortir des pensées de Liv. Elle est l’unique personnage principal du récit, sa clé de voûte, le trait d’union entre les deux personnages secondaires que sont le photographe et le médecin.
Un roman court, est-ce plus simple à écrire qu’un roman long ?
Pour ma part, c’est l’inverse. J’aime la forme courte, mais je la trouve très exigeante et périlleuse. J’aurais mis cinq ans à écrire ce roman. Il ne faut pas que le lecteur ou la lectrice sorte du livre avec une impression d’inachevé, de manque, mais l’idée est de ne pas trop en dire non plus, de laisser plus de place, sans doute, à l’implicite, aux sensations de la personne qui lit. J’ai conçu ce livre comme un dialogue en tête-à-tête entre elle et Liv. Dans un dialogue, on ne dit pas tout. On doit laisser de l’espace à la suggestion. Et quand on choisit la brièveté, chaque mot en trop ou dissonant se remarque immédiatement.
Comment travaillez-vous vos textes ?
J’ai un déclic. Je construits un schéma autour d’un ou ou plusieurs personnages, je les plonge dans une situation qui me parait intéressante ; je déploie un plan, je vois ce que ça donne. Si je le sens bien, je commence le récit.
De nouveaux projets ?
Un roman à venir, un roman en cours d’écriture. Plusieurs nouvelles parues et/ou à paraître sur Zone Critique. Parallèlement, j’écris de la poésie de manière assez soutenue ; la page Instagram sur laquelle je la publie, à vif, sans retouches, me tient presque lieu de journal.
SÉANCES
Nouvelle icône de mode, Liv Ariel, mannequin et influenceuse, ne cesse de faire parler d’elle. Photographes, stylistes et cinéastes se l’arrachent. Partout, son visage s’impose. Sauf qu’en coulisse, entre ses séances de psychanalyse et les séances de pose, le vernis craque… Que sait-on vraiment de cette fille magnifique qui parle si peu que certains la croient muette ?
Née en 1991, Tiphaine Mora a grandi et vit en Auvergne. Professeure de lettres modernes, elle a publié plusieurs poèmes et fictions.
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