Tout auteur désireux de donner vie à son livre se retrouve confronté à cette épineuse question : comment trouver un éditeur ? Et, lorsque certains éditeurs se montrent intéressés, comment faire le bon choix ? À quoi se fier, que considérer ? Nous essayons de vous aider à y voir plus clair dans cet article, en vous proposant quelques pistes de réflexions et d’élements à considérer.
Comprendre l’édition française : un marché saturé
Le secteur marchand du livre est caractérisé par une offre supérieure à la demande. Les éditeurs produisent beaucoup plus de livres que les lecteurs ne peuvent en lire. Alors que les ventes reculent, les livres sont de plus en plus massivement édités…
On estime qu’environ 200 nouveaux livres paraissent chaque jour… Ça n’aide pas à trouver un bon éditeur, mais autant le savoir pour bien saisir les enjeux et la difficulté du métier.
À lire à ce sujet :
- L’édition française de livres en quelques chiffres (Le Monde)
- Des livres par-dessus le marché (Le Monde)
- Le blues des éditeurs (La Croix)
- Il y a trop de gens qui écrivent des livres (Slate)
Distribution – diffusion : le nerf de la guerre
La saturation du marché étant ce qu’elle est, il est également intéressant de comprendre comment fonctionne la vente des livres en librairie, et pourquoi certains livres se retrouvent sur les étals, d’autres non. Les librairies, pas plus que les lecteurs, ne peuvent absorber la production massive. Une énorme partie des livres édités ne sont pas proposés en librairie, et la majorité de ceux qui y parviennent n’y restent pas bien longtemps…
Pour faire simple, voici le cycle de vie d’un livre édité par un éditeur nationalement diffusé :
→ Le livre nouvellement imprimé est stocké par l’éditeur dans les locaux de son distributeur, lequel assure les flux logistiques et fournit les librairies en fonction des demandes des libraires, mais aussi des offices (c’est-à-dire que les librairies reçoivent automatiquement certaines des nouveautés des éditeurs sans les avoir sollicitées). La relation commerciale avec les librairies est assurée par le diffuseur.
→ Le libraire place les livres qu’il peut et/ou qu’il veut en rayon (il n’a pas toujours la possibilité de rendre visibles la totalité des livres qu’il a reçus).
→ Les invendus que le libraire ne souhaite pas conserver sont retournés au distributeur.
→ L’éditeur peut choisir de conserver le stock d’un livre chez le distributeur, de l’alléger, ou de le supprimer. Il a alors recours au pilonnage partiel ou total des livres. À l’inverse, si le livre a bien fonctionné et en cas d’épuisement du stock, une réimpression peut être envisagée.
Comme de nouveaux livres arrivent sans cesse, le temps disponible en librairie ainsi que la durée de maintien du stock chez le distributeur ont logiquement tendance à fortement diminuer.
En librairie, vous trouverez donc 1- les auteurs les plus célèbres ; 2 – certaines des nouveautés des éditeurs correctement diffusés mais dont le turn-over est devenu très rapide.
→ Si votre éditeur n’est pas diffusé, peu de chance pour votre livre de figurer en rayon. Tout au plus votre éditeur pourra-t-il démarcher quelques enseignes autour de chez vous.
→ Si votre éditeur est diffusé, votre livre sera normalement correctement mis en rayon, mais il a très peu de chance de s’y maintenir (sauf si vous défrayez la chronique médiatique, si vous remportez un prix littéraire réputé, si les ventes sont jugées bonnes, ou si quelques libraires ont eu le coup de cœur pour votre livre).
À lire à ce sujet :
- Quelles est la différence entre distribution du livre et diffusion du livre ? (Youstory)
- La commercialisation du livre (Université Paris Nanterre)
- Le filon du pilon (Youpress)
L’éditeur : propulseur ou partenaire ?
En considérant ce contexte, c’est à cette question que vous allez devoir répondre pour choisir votre éditeur : qu’attendez-vous de lui ? Si vous voulez donner le maximum de chance à votre livre de figurer en librairie et d’être vendu, privilégiez un éditeur bien diffusé. Si ces préoccupations ne sont pas prioritaires pour vous et que c’est surtout l’aventure éditoriale et la réalisation du livre qui vous importent, un éditeur plus modeste pourra constituer un bon partenaire.
Très schématiquement, les livres produits par les « grands » éditeurs sont diffusés en librairie, ceux produits par les « petits » ne le sont pas. Les éditeurs sans diffuseur n’ont pas la possibilité de pouvoir placer leur production dans de nombreuses librairies, ce qui minimise considérablement la chance de leurs auteurs d’être découvert fortuitement par les lecteurs les plus assidus. De plus, ces éditeurs modestes (souvent des structures d’une ou de deux personnes) disposent rarement de moyens en terme de promotion, sachant que les possibles retombées médiatiques peuvent jouer un rôle important pour qu’un livre soit présenté et mis en valeur par un libraire. De ce fait, leur stratégie est généralement différente, car ces éditeurs sans grands moyens mènent la promotion et la commercialisation de leurs livres sur le long terme, pas à pas, contrairement aux « grands » qui jouent davantage sur l’effet de buzz et de masse. Le revers de cet attirail promotionnel, c’est que lorsque cela ne prend pas, ou pas assez vite, les livres sont nécessairement délaissés au profit des suivants. Le « petit » éditeur, qui ne peut pas vraiment compter sur le buzz, a lui tout intérêt à cultiver son fond.
En insistant sur le fait qu’il s’agit d’une présentation succincte et schématique d’une situation bien plus nuancée d’un éditeur à un autre (le syndicat national de l’édition dénombre quand même 10 000 éditeur sur notre territoire…), le choix peut tout de même sembler se résumer à celui-ci : un éditeur propulseur (qui donnera toutes ses chances au livre d’être visible mais sur une période relativement courte), ou un éditeur partenaire (qui ne pourra pas faire énormément de choses, mais qui s’occupera de votre livre et restera en relation avec vous sur le long terme).
Certains auteurs édités chez de « grands » éditeurs ont pu faire état de leur désenchantement, ayant été vite mis de côté. D’autres, plus nombreux à se manifester sur la toile, sont effondrés des chiffres de vente remis par leur « petit » éditeur et déplorent qu’il n’a rien fait pour vendre.
L’important, pour votre choix, c’est que celui-ci soit éclairé, et que vous sachiez à quoi vous attendre. Renseignez-vous, lisez, questionnez… et réfléchissez à vos objectifs. Vous n’aurez pas besoin du même éditeur pour entamer une carrière littéraire, pour gagner quelques revenus de l’édition de votre livre, ou s’il s’agit simplement d’être auteur à vos heures perdues. Et puis il y a aussi la relation, le contact, les échanges avec votre éditeur durant la phase éditoriale pour « faire » le livre : encore un paramètre à considérer… C’est tout de même plus agréable de travailler avec une personne dont on apprécie la démarche et le travail. Méfiez-vous, surtout, des promesse, des compliments et des belles paroles (avec 200 nouveaux livres par jour, quel que soit le potentiel ou la qualité de votre livre, et la puissance commerciale de votre éditeur, il faut savoir raison garder).
À lire à ce sujet :
- FAQ de l’édition (Syndicat national de l’édition)
- Les médias traditionnels font-ils vendre des livres ? (Blog Bazar Kazar)
- Le profil de l’éditeur pourri : comment l’éviter (Le blog de Stoni)
Cet article est suivi de nombreux commentaires intéressant qui ouvrent la discussion sur l’édition « traditionnelle » (les « grands ») et « artisanale » (les « petits »).
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